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Une des premières maquettes pour la fontaine Embâcle, Place du Québec à Paris |
C’est un grand privilège dans ma carrière d’avoir rencontré et travaillé sur plusieurs projets avec Charles Daudelin. J’ai d’abord fait la connaissance de son fils Éric qui était mon étudiant à la Faculté d’aménagement. Il m’a posé un problème géométrique concernant un cube disséqué. Il s’agissait d’un projet de son père pour l’édifice du Palais de justice de Montréal.
Peu de temps après, je rencontrais Charles et ce fut le départ d’une coopération fructueuse et stimulante pour de nombreuses années jusqu’à son décès.
J’ai travaillé avec Charles sur deux plusieurs projets dont Embâcle pour la place du Québec à Paris et Spirale Logarithmique, une œuvre signalitique pour le Musée d’art de Joliette. Charles était en mesure de géométriser la forme. Il aimait d’ailleurs la géométrie tout comme moi. Il en était de même de l’architecture qu’il comprenait intimement. Il possédait, il faut dire, une perception spatiale très forte et une capacité de transcrire en trois dimensions dans des modèles en papier ou en carton ce qu’il avait en tête. Et c’était toujours juste. Une qualité que l’on ne retrouve pas chez tous les sculpteurs avec lesquels j’ai collaboré. Il connaissait bien aussi les propriétés des métaux et des matériaux divers qu’ils aimaient travailler. Il avait acquis cette connaissance grâce à son expérience.
Quand il venait me voir, c’était souvent pour faire confirmer une intuition qu’il avait eu ou une projection qu’il avait fait. Sinon, c’est qu’il était à la recherche d’une solution structurale comme ce fut le cas pour les plaques de bronze de sa fontaine à Paris dont il recherchait une certaine minceur tout en s’assurant qu’elles ne perdent pas de leur rigidité. Ce projet donne un autre bon exemple de ses forces. Je parle ici de l’ordonnance du dallage qui fait partie intégrante du projet et qui respecte les règles de géométrie stricte. En résumé, je dirais que Charles pouvait compter sur ce que je pourrais qualifier d’un heureux mariage entre intuition et connaissances.
Je me rappelle vivement quand on était ensemble avec sa femme Louise et qu’on avait des conversations très excitantes sur la forme, la structure de la forme
et les technologies de fabrication. Le rôle de Louise était très important dans le processus de création. Son intérêt, sa rigueur et sa discipline venaient compléter les talents de Charles.
Il me faisait toujours plaisir d’aller leur rendre visite à leur domicile, l’atelier de Charles, à Kirkland. J’ai été le témoin fasciné de la naissance des œuvres d’art créés par un grand artiste.
La dernière fois que j’ai vu Charles, c’était à l’hôpital Lakeshore. Il nous recevait avec un très bon esprit. Il m’a montré un petit tableau qu’il avait fait dans son lit d’hôpital : un dessin avec des lignes courbes et des taches multicolores. Il m’a dit que si je devinais le contenu du dessin, il me le donnerait. Après quelques secondes, j’ai reconnu les noms de ma femme et le mien (Sherril et Janos) dessinés d’une manière abstraite et avec une calligraphie distincte.
Ce tableau est un de mes plus précieux souvenirs et il me rappelle souvent les heures magiques que j’ai partagées avec Charles.
Janos Baracs
Janos Baracs est un ingénieur en structure d’origine hongroise. Il vit à Montréal depuis 1957
et a été professeur à l’école d’architecture de la Faculté d’aménagement de l’Université de Montréal. Il a fait de la recherche dans le domaine de la morphologie et des structures. Il a pratiqué comme ingénieur conseil sur les structures non conventionnelles. Il est présentement à la retraite.
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