daudelin

 
PROPOS DE LOUISE DÉRY SUR L’ART PUBLIC DE DAUDELIN
Note : Le texte Propos de Louise Déry sur l’art public de Daudelin reproduit ici est tiré du catalogue Daudelin publié par le Musée du Québec à l’occasion de la grande exposition consacrée à l’œuvre de l’artiste en 1997-1998.
 
Nous tenons à remercier l’auteure ainsi que le Musée national des beaux-arts du Québec.
 
Les lettres cat. suivies de chiffres (ex. cat. 60 et 61) font référence aux numéros que portent les œuvres dans le catalogue.
 








Daudelin : l’art dans la ville 
De la pensée sociale à l’art intégré 
Les premières commandes publiques 
Des monuments de fonte et de bronze 
Géométrisation et mouvement 
La ligne et le vent 
Artisan de la ville 

La ligne et le vent

Éolienne V
Palais des congrès, Montréal. 1983
Photo : Musée national des beaux-arts du Québec : Patrick Altman
Charles Daudelin définit différemment, dans ses œuvres, les notions de mouvement animé et de cinétisme. Dans le premier cas, le mouvement est obtenu au moyen de systèmes mécaniques qui provoquent des changements de configuration formelle, comme dans Allegrocube. Le cinétisme s'applique plutôt aux œuvres dont les mouvements sont issus des éléments naturels, comme le vent dans Éolienne V, réalisée en 1983 pour le Palais des congrès de Montréal. Il faut préciser que Daudelin en arrive, vers le milieu des années soixante-dix, à s'intéresser de plus en plus à des structures légères et aériennes et à l'emploi d'un matériau comme l'acier inoxydable. Il s'en explique : «de vais vers des choses transparentes, presque immatérielles, qui bougent au vent. J'aime penser qu'il y a du vent, de la pluie, de l'eau pour faire marcher les choses...».47 C'est dans cet esprit qu'il réalise Éolienne III pour le Collège du Vieux-Montréal – œuvre aujourd'hui détruite48 – et entreprend, en 1981, le projet du Palais des congrès. Le concept final est arrêté l'année suivante : il s'agit d'un groupe de cinq colonnes en acier placées en cercle à l'intérieur d'un bassin d'eau de 12 cm de profondeur. Chaque mât est surmonté d'une longue tige dont la direction et l'inclinaison sont fonction des effets du vent. L'œuvre doit être implantée sur la place formant l'angle des rues Saint-Antoine et Saint-Urbain et l'artiste doit également tenir compte des caractéristiques environnantes.49
 
Dans ce secteur marqué par le «brutalisme» de l'architecture, la proximité d'une autoroute et la congestion de l'espace, Daudelin intervient par contraste. Il fait du vent, dont la présence est à peu près constante, l'un des matériaux du site, ce qui l'amène à développer son projet à la verticale. Il réalise une sculpture à l'aspect graphique et linéaire, dont certains éléments affirment leur couleur bleue tandis que d'autres, en acier inoxydable, se détachent sur l'imposante masse du Palais des congrès et sur le ciel. Le bassin d'eau sert non pas de fontaine mais de surface de réflexion et permet aux éléments de l'œuvre d'avoir un champ délimité par rapport à la place.
 
La place moléculaire
École secondaire Fernand-Séguin, Candiac. 1990-1992
Photo : Musée national des beaux-arts du Québec : Patrick Altman
Les réalisations de la série des éoliennes, sans caractériser nécessairement une grande partie de la démarche de Daudelin, affirment une tendance signalétique qui connaîtra quelques développements. C'est le cas de La Place moléculaire, réalisée quelques années plus tard pour l'École secondaire Fernand-Seguin de Candiac. «J'ai voulu, écrit-il dans la présentation du projet, créer une place ouverte où les étudiants pourraient circuler sans contrainte».50 En effet, le programme vise à traiter un vaste espace délimité par l'édifice en U, entre le débarcadère des autobus et l'entrée des étudiants. Daudelin décide d'y implanter une série de colonnes de couleur bleue ou verte, surmontées de disques réfléchissants. Il propose également de traiter le pavage en liaison avec certains éléments thématiques axés sur les rapports entre nature et science. Une «composition où, selon l'artiste, on peut imaginer tantôt protons et neutrons s'assembler au cœur de l'atome, où les familles radio-actives [peuvent] échanger leurs formules, quand ce ne sont pas les tableaux génétiques nous préparer leurs surprises».51
 
La Place moléculaire devient un élément signalétique au cœur d'un vaste espace horizontal où sont dessinées, par le jeu d'assemblage des pavés, des configurations concentriques qui se reflètent dans les disques métalliques qui oscillent au vent, au-dessus des colonnes. À l'inverse, des miroitements sont perceptibles autour de l'œuvre, selon les mouvements des disques sous le soleil. Toujours changeante, l'œuvre propose une dynamique propre aux phénomènes naturels et scientifiques et s'intègre symboliquement à la fonction du lieu.
 
Hors du temps
Cimetière Mont-Royal, Outremont.
1992-1993
Photos : Musée du Québec : Patrick Altman
Cette notion d'intégration symbolique est également présente dans Hors du temps, un projet conçu pour le cimetière Mont-Royal. Sur une partie élevée du site, les architectes du paysage ont imaginé «Un jardin sur la montagne» conforme à l'idéologie de la présente génération et respectueuse de l'environnement.52 «En réintroduisant des œuvres d'art et une végétation luxuriante, nous nous conformons aux principes à la base des cimetières ruraux, précurseurs des parcs urbains».53 Daudelin remporte le concours en proposant de réunir quatre sections de murs incurvés, situés à distance les uns des autres, de manière à former un cercle ouvert sur la montagne et sur le paysage urbain. Sur ces murs, sont graduellement inscrits des noms, en rapport avec chaque quadrant de verdure voisin où reposent les cendres. Au sommet de la structure de granit, un groupe d'oiseaux en métal Muntz symbolise l'idée d'une échappée «hors du temps».54
 
 
 
 
 
 
 
47. Charles Daudelin, Montréal, Musée d'art contemporain, 1974, p. 5..
48. Voir «Charles Daudelin sculpteur» dans Projet-pilote en arts visuels, Collège du Vieux-Montréal et ministère des Affaires culturelles du Québec, 1974-1975, p. 3. On y apprend entre autres qu'un prototype grandeur réelle a été réalisé avec la collaboration du département des sciences graphiques et du département des techniques de fabrication mécanique, secteur des sciences et techniques appliquées.
49. Lettre de Jean Gareau (PLLL) à Robert De Blois (MTPA), 16 juillet 1982, archives de l'artiste.
50. Proposition de Charles Daudelin pour l'École Fernand-Seguin, 16 avril 1990, archives de l'artiste.
51. Ibid.
52. Malaka Ackaoui, «Jardin de sculpture Mountain View», juin 1993, archives de l'artiste.
53. Ibid.
54.
«Concours de sculpture pour le cimetière Mont-Royal», 26 mars 1992, archives de l'artiste.
 

 
 
     
 
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